Parachat Pin’has – De la souffrance à l’allégresse

 

 

 

Le calendrier juif a choisi de rapprocher deux notions apparemment opposées : le désespoir lié à la période de ticha béav et la joie des festivités du peuple juif.
Pourquoi ? La réponse se trouve dans l’optimisme ancré dans la nature juive…

La paracha de Pin’has, comme la parachat Emor, énumère toutes les fêtes juives. D’après le calendrier hébraïque, on lira presque toujours la paracha de Pin’has au moment des trois semaines de ben hametsarim, qui séparent le 17 Tamouz de Ticha béav, commémoration notamment de la destruction du premier et second Temple.

Pendant cette période, le peuple juif a la tradition de respecter certaines coutumes de deuil (cf. Choul’hane Arou’h O. ‘Hayim 551,9). Pourquoi la joie des fêtes mentionnée dans cette paracha est-elle évoquée à un moment où nous sommes en deuil ?

Par ce choix du calendrier, la joie et le deuil, notions on ne peut plus opposées, se mêlent et se confondent. En effet, les deux jours de jeûne du 17 tamouz et du 9 av (cette année 3 et 24 juillet), délimitent une période faite de douleur et de tristesse, période appelée en hébreu ben hametsarim.

Un temps pour pleurer, un temps pour se réjouir

“Ben hametsarim”, empruntée aux premiers versets des Lamentations de Jérémie (cf. Lamentations 1,3), cette expression décrit le peuple juif comme pris au piège entre deux barrières. Si à certains moments, il sera difficile de nous porter atteinte, l’intervalle entre le 17 tamouz et le 9 av est comme un étroit sentier entre deux barrières, dans lequel celui qui veut nous nuire peut facilement le faire (cf. Rachi idem).

Ces trois semaines, sont donc pour nous une période de deuil et exigent une grande prudence, car on a pu le constater, tout au long de l’histoire du peuple juif, nous sommes plus vulnérables à ce moment spécifique de l’année.

Le 17 tamouz commémore cinq drames majeurs, qui se sont abattus sur le peuple juif : la brisure des Tables par Moïse, l’abolition du sacrifice quotidien (Tamid), la prise de Jérusalem, l’autodafé d’un rouleau de Torah par un empereur grec, Apoustomous, et une idole placée dans l’arche sainte (Talmud Taanith 28b).

Pour revenir à notre question initiale de la correspondance du rappel des fêtes de réjouissance avec cette période de deuil, nous devons citer l’enseignement du Rav Lévy Isaac de Berditchov. Le peuple juif vit dans la douleur et le deuil cette période de ben hametsarim, qui lui rappelle la destruction de Jérusalem, ainsi que toutes les autres épreuves liées à cette période, qu’il a traversé durant son histoire.

Les Juifs sont donc profondément accablés et perdent espoir. Durant cette période de commémoration, il y aurait un risque que le peuple d’Israël se décourage véritablement, et sombre dans la tristesse et le désespoir. C’est pour éviter ce danger que l’on va lire, justement à ce moment précis, les parachioth qui évoquent les fêtes juives (moadim), temps de rendez-vous avec D.ieu.

Ainsi, on espère que l’évocation de ces festivités insufflera un vent de joie et d’allégresse, qui adoucira l’amertume du deuil des trois semaines.

Témoignages d’amour

Le Rav Israël de Rojhine d’ajouter que d’après la mystique, à partir de la venue du Messie, le 17 Tamouz deviendra le premier jour d’une grande fête. Ticha béav en sera le dernier jour.

Les trois semaines seront comme des demi-fêtes (‘hol hamoed), à l’image des périodes d’allégresse que nous avons à Pessa’h et à Souccoth. Si nos Sages peuvent annoncer une telle mutation, c’est qu’ils ont pour référence la prophétie de Jérémie : «Je transformerai leur deuil en joie» (Veafa’hti èvlam le sassone(Jérémie 31,12).

On notera en outre que ticha béav est appelé moèd (fêtes) dans les textes de loi (Choul’han Arou’h O.’H. 552,12), ce qui montre que même lorsqu’il est encore un deuil, ticha béav porte en lui un message d’espoir.

Lorsque nous lisons, à ben hametsarim, la paracha de Pin’has, et que l’on énumère les fêtes (moadim), on donne également le détail des sacrifices qui étaient consacrés au temps du Bethhamikdach. Le mot korban trouve sa racine dans karov (proche), et renvoie à la vocation première du sacrifice : le rapprochement avec D.ieu.

Aussi, dès que le Temple sera reconstruit, nous pourrons, comme au temps de notre joie, apporter nos témoignages de reconnaissance et d’amour envers le Créateur à l’occasion des fêtes déjà instituées dans la Torah, mais aussi à l’occasion du 17 Tamouz et Ticha béav, transformés alors en réjouissances, bimhééra beyaménou, amen

 

 

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