Parachat Tsav – le sacrifice de la paix

 

 

 

Trois questions soulevées par un Midrach vont nous permettre de comprendre des notions essentielles : le sacrifice, l’utilisation du monde matériel et la paix… Dans le Midrach qui commente le début de la paracha de Tsav, il est écrit : « zoth torath hachelamim » : voici la loi du sacrifice Chelamim. Nous allons donc nous pencher cette semaine sur une notion qui ne fait pas partie de notre quotidien, et qui nous semble, de ce fait, étrangère, pour ne pas dire incompréhensible. Mais la notion de sacrifice (dont la nature était diverse : on pouvait faire un sacrifice avec des produits céréaliers, des animaux, ou de l’argent) fait partie intégrante de l’héritage légué par D.ieu au mont Sinaï. Cette notion de sacrifice reste parfaitement actuelle dans la mesure où nous attendons chaque jour la reconstruction du Temple, et la remise en service des sacrifices. Aujourd’hui, nous remplaçons les sacrifices par des prières. Le Midrach raconte que les représentants des Nations du monde ont questionné Bilam, leur prophète : « Pourquoi ne nous a-t-on pas prescrit de faire le sacrifice Chelamim ? » Bilam leur répondit : « Il n’y a que le peuple juif, qui a reçu la Torah, qui peut faire ce sacrifice, car c’est le sacrifice de la paix » (Tan’houma, Tsav 4). On le sait, il existe d’autres sacrifices (korbanoth). Et les Nations du monde n’ont pas exprimé le regret de ne pouvoir les faire. Maïmonide statue d’ailleurs qu’un non-Juif, à l’époque du Temple, peut s’il le souhaite, présenter un sacrifice Ola à titre personnel (cf. Rambam Hil’hoth Mela’him 10 ; 10). Mais la plainte des Nations réside dans le fait que quel que soit le sacrifice qu’ils souhaitent faire, il sera considéré comme Ola. Ils n’ont donc as la possibilité de faire un sacrifice Chelamim (cf. Rambam Maassé Hakorbanoth 3 ; 3). Trois questions vont nous permettre de comprendre la plainte des Nations du monde et de mieux saisir une notion centrale du judaïsme, dont la conception la plus universelle n’est pas forcément la plus juste… Quelle est la différence entre le sacrifice Ola et le Chelamim ? En quoi le fait que les Bné-Israël aient reçu la Torah leur offre un lien plus fort avec le sacrifice Chelamim ? Enfin, quel rapport entre la paix et ce sacrifice ? La matière : lien vers D.ieu Pour répondre à ces interrogations, il faut savoir que la particularité du sacrifice Ola est, comme son nom l’indique, d’être entièrement « monté » sur l’autel (misbéa’h), c’est-à-dire que ce sacrifice était totalement consumé sur l’autel, et qu’il n’en revenait aucune part ni au Cohen, ni à celui qui l’avait apporté. En revanche, le sacrifice Chelamim était destiné à plusieurs destinataires : une part était consumée pour D.ieu sur le misbéa’h, une part était consommée par les prêtres qui étaient en charge des sacrifices, et une part était consommée par celui qui avait apporté ce sacrifice. Pour les Nations du monde, un homme saint s’imposera des privations, qu’elles soient dans le domaine de la nourriture ou de l’alcool ; il ne se mariera pas ou décidera même de vivre en hermite au sommet d’une montagne, coupant tous les liens avec la société des hommes. Pour le peuple juif, la définition de la sainteté (kedoucha), c’est d’être saint dans l’utilisation du monde matériel. Comme le dit Na’hmanide au début de la sidra de Kedochim : « Sanctifie-toi par ce qui t’es permis ». Le Juif accomplit une mitsva lorsqu’il mange ce que D.ieu lui a demandé, lorsqu’il se marie dans la sainteté et en suivant les directives divines. Ainsi, il pourra profiter des plaisirs de ce monde tout en les élevant. Ces plaisirs sont même le moyen d’accomplir les prescriptions de D.ieu. La kedouchadu peuple juif est déjà dans ce monde-ci, elle est liée à eux de façon sensible et quotidienne. Pour les non-Juifs, la sainteté commence là où le monde physique s’arrête. Les Nations du monde ont donc une conception de la sainteté très différente du peuple juif. Nous comprenons donc à présent pourquoi les nations du monde ne pouvaient pas avoir accès au sacrifice Chelamim : même s’ils faisaient un sacrifice dans l’idée de faire un Chelamim, ce sacrifice devenait de fait un sacrifice Ola, qui correspondait à leur conception de la sainteté (Rambam idem.). Leur sacrifice est totalement consumé sur le misbéa’h, totalement consumé pour monter vers D.ieu. Et c’est pour cette raison que leur prophète leur répondit : « Parce que vous n’avez pas la Torah. La Torah est le seul moyen d’être saint dans notre monde physique, en élevant la matière vers D.ieu. » Mais quel est le rapport avec la paix, dont Bilam, prophète des nations, fait mention dans sa réponse ? C’est que Bilam n’ignorait pas la conception des sages d’Israël concernant la paix : la paix, c’est ce qui permet l’harmonie entre deux éléments qui semblent opposés. La paix, c’est l’harmonie entre le ciel et la terre. Les Bné-Israël parviennent, grâce aux prescriptions de la Torah et au sacrifice Chelamim, à faire le lien entre notre monde physique et le monde d’en-haut, à élever la matière vers ce qu’elle a de plus spirituel. La mitsva, c’est donner une forme (tsoura) à la matière (‘homer), la forme que D.ieu a voulu quand il créa le monde. L’accomplissement des commandements est le seul moyen pour les hommes de se rapprocher de D.ieu.    

 

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