Comme certains enfants qui oublient que leurs parents leur ont donné les moyens de s’épanouir, il nous est difficile d’avoir conscience que notre réussite vient de D.ieu. Et pourtant…
Alors qu’elle fut déjà prescrite dans la paracha de Michpatim, la mitsva des prémices (bikourim) est répétée dans notre paracha, Ki Tavo. C’est en effet une mitsvad’apporter les premiers fruits, alors qu’ils viennent à peine de mûrir, et de les donner au Cohen. Cette prescription concerne exclusivement les sept fruits d’Erets-Israël, et son application dépend de l’habitation du peuple sur la terre d’Israël (mitsva chétlouïa baaretz) et de la présence du Beth Hamikdach.
La question est de savoir pourquoi la Torah rappelle deux fois cette mitsva de bikourim. Dans le livre de Chemoth (Exode), on nous demande de les apporter, alors que dans la paracha de notre semaine c’est-à-dire dans le livre de Devarim (Deutéronome), on nous dit comment l’appliquer. En effet, dans notre paracha, il est indiqué qu’il faudra lire un certain texte de la Torah lorsqu’on apporte ces prémices (mikrabikourim).
A quoi bon faire cette lecture ? L’essentiel est de donner, semble-t-il… La
réponse à cette question est que le plus important lorsqu’on donne n’est peut-être pas le fait de donner en soi. L’essentiel est peut-être d’entendre la raison première qui entraîne ce don.
Les beaux fruits
Un
épisode de la Torah illustre cette idée, nous
montrant un danger potentiel : le peuple juif qui pendant quarante
ans dans le désert, fut nourri de la Manne du Ciel. Et au
début du livre de Devarim, D.ieu nous met en garde, en
apostrophant le peuple juif: « Ne va pas dire :
‘C’est ma force, c’est ma vaillance qui m’a
donné cette richesse
(ko’hi veotsém yadi, assa li eth ha
‘Haïl azé).’ »
Car si
D.ieu a donné un champ d’action aux hommes pour leur
subsistance, si certaines contingences sont plus fructueuses que
d’autres, il n’en reste pas moins que Lui seul fait et
défait les richesses et les empires. Lui seul potentialise
les bienfaits dont Il nous comble : D.ieu nous placera ou non dans
des circonstances afin que nous puissions profiter de façon
optimale des beaux fruits qu’Il nous offre.
Le
peuple juif aurait très facilement pu oublier qui
l’avait nourri au quotidien dans le désert.
C’est la raison pour laquelle, les premiers fruits devront
être offerts à D.ieu, pour exprimer notre
reconnaissance (hakarath hatov), pour que nous ayons sans
cesse à l’esprit que notre subsistance et notre
réussite viennent de Lui. C’est également pour
cette raison que nous ferons cette lecture, et qu’elle est
essentielle.
Cette
mitsva de lecture (mikra bikourim), mentionnera que
depuis le temps de Jacob, le peuple juif a été
méprisé et chassé. Ensuite, descendu en
Égypte, il fut asservi.
Et
c’est uniquement parce que D.ieu a bien voulu être
miséricordieux, que les Bné-Israëlpurent
sortir et être libérés de l’Égypte
pour accéder à la Terre d’Israël.
Le
Sefer Ha’hinou’h (mitsva 606) apporte une
précision : par cette lecture, l’homme
s’éveille à la notion de reconnaissance envers
D.ieu, sans Lequel il n’aurait rien pu entreprendre. Une
réflexion qui nous renvoie, que ce soit à un niveau
individuel
(chaque Juif peut entreprendre et réussir de grandes
choses), ou à un niveau collectif (le peuple juif dans son
histoire formidable), à l’idée qu’il ne
faut jamais s’éloigner de
cette
vérité authentique.
Et il
faudra relire notre histoire pour ne jamais oublier que sans
l’appui du
Ciel,
sans cette manne quotidienne, nos capacités n’auraient
jamais pu nous donner notre subsistance. Et c’est uniquement
quand, dans notre quotidien, on dira une bénédiction
de remerciement adressée à D.ieu sur les beaux fruits
qu’Il nous donne, que l’on pourra en jouir
véritablement. Rabbénou Bé’hayé
(« Kad Hakéma’h »), explique que
l’expression « barou’h ata Hachem »
(le début des bénédictions), est
habituellement traduite par « que D.ieu soit béni
». Elle devrait pourtant être traduite
différemment. « Barou’h ata Hachem
» signifie en effet : « D.ieu est la source de la
bénédiction ». Amener des bikourim est
une chose importante. Et formuler notre reconnaissance envers Celui
qui est à l’origine de tout, c’est le secret de
la bénédiction, le secret de l’abondance.