Paracha Toledoth – Quand un père bénit son fils

 

Quand Essav vit que son père avait donné sa bénédiction à Jacob, il cria de désespoir.

Une bénédiction est-elle si capitale et décisive ? Une anecdote contemporaine et authentique, mettant en scène Baba-Salé et des soldats nazis, va l’illustrer…

Dans la paracha de Toledoth, on découvre comment Isaac, en croyant bénir son fils Essav, donne en définitive sa bénédiction à son autre fils, Jacob.

La bénédiction des pères sur leurs fils est une notion fondamentale dans la Torah. Il est d’ailleurs une tradition très ancrée dans le peuple juif : après le kiddouch du vendredi soir, les parents posent leurs mains sur la tête de leurs enfants, pour les bénir.

Nous allons découvrir une histoire qui illustre avec authenticité cette notion.

Pendant la deuxième guerre mondiale, les Allemands avaient conquis certaines villes du Maroc. Et ce fut le cas de la ville de Boudnib, où le fameux Rabbi Israël Abou’hatséra, plus connu sous le nom de Baba-Salé, était de passage.

Dans cette ville, il y avait une prison, une forteresse, dans laquelle les Allemands avaient amenés tous leurs prisonniers pour les interroger. L’un de ces prisonniers était le célèbre Gouverneur ‘Hadj Téami el Guilohi. Il avait été torturé jusqu’au jour où devait se tenir le jugement public, jugement arrangé d’avance et qui devait conduire automatiquement à une condamnation à mort.

« Que D.ieu daigne me protéger »

Le jour du jugement, les Nazis emmenèrent l’accusé et lui firent traverser la ville, enchaîné et accompagné d’une forte garde. Au moment où le sinistre cortège passa dans le quartier juif, le condamné vit Baba-Salé qui, juste à ce moment-là, sortait de la maison où il résidait.

Le prisonnier interpella Baba-Salé, et lui dit :

– Oh, grand Sage, avez-vous des enfants ?

Tout le monde s’arrêta. Même les soldats allemands décidèrent de faire halte pour écouter la discussion qui allait suivre entre ce condamné à mort arabe et le Rabbin des Juifs.

Lorsque Rabbi Israël vit que tout le monde allait écouter ce qui allait se dire, il fut inquiet. Il craignait les conséquences d’une telle conversation, d’autant que les auditeurs étaient de farouches Nazis, qui se seraient fait un plaisir de mêler les Juifs à la cérémonie qui se préparait.

Mais Baba-Salé mit toute sa confiance en D.ieu et répondit :

-Oui, j’ai un enfant, un fils unique.

-Et quel est son nom ? demanda le prisonnier.

-Méïr, répondit le Rav.

-Si c’est ainsi, bénissez-le ! implora le Gouverneur arabe.

Le Rav, un peu gêné par cette situation, marmonna quelques mots dans sa barbe.

-Non, pas ainsi, demanda le gouverneur. S’il vous plaît, dites-le avec tout votre coeur.

Le Rav accéda à la demande du Gouverneur et prononça une belle bénédiction pour son fils Méïr, à voix haute et avec toute la concentration requise.

Mais le gouverneur n’en resta pas là:

-Je vous en prie, pourriez-vous m’inclure dans la bénédiction pour votre fils, et demander que D.ieu daigne me protéger.

Et Baba-Salé, du bout de ses lèvres, prononça le nom du gouverneur.

Le convoi reprit donc la route et le jugement public commença. Le célèbre Gouverneur à la place de l’accusé et les assassins nazis en juge tout-puissants…

Un impact insoupçonné

A la stupéfaction générale, et sans que personne ne puisse vraiment expliquer les raisons du verdict, le Gouverneur fut acquitté et fut même autorisé à quitter les lieux.

Bien évidemment, la première personne qu’il désira voir, ce fut Baba-Salé :

-Merci, merci infiniment, car je sais que c’est grâce à votre bénédiction et à elle seule, que j’ai pu être sauvé.

Quand la situation au Maroc se calmera et que les événements reprendront leur cours normal, je vous demanderai de venir me voir dans mon Palais de Marrakech ou de Fès.

A la fin de la guerre, Baba-Salé fut invité, comme promis, et il se rendit dans le palais estival du Gouverneur, à Fès. Après les salutations d’usage, ils eurent tout le loisir de se remémorer les événements liés au jour du jugement.

Et Baba-Salé put poser une question au Gouverneur, une question qui le tracassait depuis leur dernière entrevue :

– Il y a une chose que je n’ai pas comprise. Me demander de vous bénir, soit, c’est logique. Mais pourquoi m’avoir demandé de bénir mon fils ?

– On sait bien qu’une bénédiction ne peut avoir d’effet que lorsqu’elle vient du fond du coeur. Or, qu’y a-t-il de plus profond, de plus sincère, de plus fort que la bénédiction d’un père pour son fils ? C’est la raison pour laquelle je voulais que vous bénissiez votre fils.

Et au moment où les mots allaient venir du plus profond de votre coeur, joindre mon nom, c’était m’associer à la plus sincère des bénédictions. Seulement ainsi, je pouvais espérer être acquitté, et j’ai eu raison. 

Grâce à cette situation rocambolesque, et à une discussion entre un grand sage d’Israël et un Gouverneur arabe, nous pouvons percevoir la nature et l’impact d’une bénédiction dite avec sincérité.

Nous apprenons également la vraie dimension de la prière. En effet, malgré la répétition trois fois par jour du même texte (celui de l’amida), l’intensité et la concentration que l’on met dans nos prières sont essentielles. « Ra’hamana liba bahé », est expression en araméen qui signifie que D.ieu attend de nous les intentions du coeur.

Prier, ce n’est pas réciter, c’est désirer du plus profond de notre moi, se rapprocher de notre Créateur.

 

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