La faute du veau d’or est, selon nos sages, la faute de l’initiative.
Car le peuple juif, après la sortie d’Égypte, avait du mal à supporter une certaine passivité devant les événements. Il leur a donc fallut agir, coûte que coûte…
Dans la paracha de Pékoudé, une expression revient de façon très redondante.
«Caacher tsiva hachem eth Moché» comme l’Eternel l’a prescrit à Moché.
A chacune des étapes de l’édification du Michkane, la Torah tient à préciser que les Bné-Israël, dirigés par l’architecte Betsalel, appliquèrent strictement les indications divines concernant cette construction.
Les Juifs qui furent chargés de cette mission, exécutèrent les ordres de D.ieu dans leurs moindres détails, comme ils avaient été prescrits à Moché Rabbénou. On s’en souvient, dans la paracha de Vayakel, une autre expression revenait à plusieurs reprises pour définir les hommes choisis pour l’édification du Michkane : «ceux qui possèdent la sagesse du cœur (‘ho’hmath lev)».
Cette expression signifiait que ces hommes savaient intégrer au plus profond d’eux-mêmes les connaissances transmises par D.ieu. Les commentateurs posent la question suivante: à quoi servait cette sagesse du cœur, qui était le critère de sélection des bâtisseurs du Michkane ?
Dans la mesure où on ne leur demandait qu’une seule chose, appliquer au pied de la lettre ce que D.ieu avait ordonné à Moché, l’intelligence personnelle semble superflue. Pour ce travail d’obéissance, la sagesse du cœur, si singulière, ne semble pas être d’une grande utilité. La réponse à cette question se trouve dans le Beth Halévy (le Rav Y.D Halévy Soloveitchik de Brisk) qui mentionne que l’édification du Michkane venait réparer la faute du veau d’or (Béréchith Rabba 48 ; 6).
Crédulité et veau d’or
On s’en souvient, alors que Moché Rabbénou s’apprêtait à transmettre les premières Tables de la Loi, il trouva le peuple occupé à pratiquer l’idolâtrie, impliqué dans la faute du veau d’or. Aussi, il lâcha ces premières Tables, cadeau inestimable de D.ieu, qui se brisèrent. Les nuées de protection qui avaient accompagné le peuple juif dans le désert, abandonnèrent instantanément les Bné-Israël.
Après une période de repentir et de réparation de la part du peuple juif, Moché Rabbénou repris le chemin de la montagne, et supplia D.ieu de pardonner l’impardonnable. Quarante jours plus tard, D.ieu dit : « J’ai pardonné comme tu me l’as demandé » (Les Nombres 14 ; 20). Et ce jour-là, qui restera pour toutes les générations celui de Yom Kippour, Moché descendit pour une seconde fois et remit les secondes Tables de la Loi.
Pourtant, même en ce jour de Grand pardon, les nuées ne revinrent pas sur le peuple juif, et ce ne fut qu’à l’occasion de l’édification du Michkane qu’elles revinrent. A partir de ce moment spécifique, et seulement à ce moment là, la Présence de D.ieu (che’hina) résida manifestement à nouveau sur le peuple juif. Le Beth Halévy explique que la faute du veau d’or est la faute de l’initiative. En effet, et comme le précise Na’hmanide, le peuple juif n’était pas suffisamment naïf ou stupide pour penser qu’ils devaient leur libération d’Égypte à un veau, tout doré qu’il fut. Ils avaient vécu les miracles des dix plaies, l’ouverture de la mer, et ils savaient pertinemment que ces événements extraordinaires étaient le fait de D.ieu et de Lui seul.
Mais ce qui leur était difficile de supporter, c’était justement d’être « passifs » au milieu de tous ces événements. Ils avaient besoin d’action, d’initiatives, d’implications personnelles : ce besoin d’initiative fut la raison qui entraîna le veau d’or. Et pour réparer cette faute de l’initiative, il fallait être capable, malgré la sagesse du cœur, de s’attacher à chacun des détails de la prescription de D.ieu.
Malgré leur intelligence, malgré leur besoin d’initiative et d’action, il fallait que le peuple juif construise le sanctuaire caacher tsiva Hachem eth Moché, comme D.ieu l’avait ordonné, pas autrement, sans ajouter ni omettre quoi que ce soit. A chacune des étapes de l’édification du Michkane, il fallait que les Juifs appliquent strictement ce que D.ieu avait demandé à Moché.
C’est ainsi qu’ils ont pu réparer la faute du veau d’or. C’est ainsi qu’ils ont permis à la présence divine de revenir sur eux. Et c’est sans doute ainsi que nous devons agir pour participer à l’édification du troisième Temple, Bimhééra béyaménou, Amen.